Le premier Forum des Affaires dans l’Industrie du Sel au Sénégal (FAIS), organisé du 25 au 27 octobre 2023 à Kaolack, par Invest for Jobs en partenariat avec UNICEF, l'Agence de développement Belge (ENABEL), Nutrition International (NI), et le Conseil National du Développement de la Nutrition (CNDN), a tenu ses promesses.
L’évènement hybride a enregistré une affluence importante avec plus de 200 invités (producteurs, industriels, ministères, CEDEAO, financiers, universitaires, partenaires au développement...), qui ont suivi avec un intérêt soutenu le déroulement des activités dans le chapiteau dressé dans l’enceinte de l’hôtel Relais de Kaolack sur les berges du Fleuve Saloum, face aux montagnes de sel de la Société Nouvelle des Salins du Sine Saloum (SNSSS).
Comme l’ont rappelé à l’entame de cet évènement sans précédent de l’industrie du sel, Monsieur Matthieu Sagard, Chef de Composante à Invest-For-Jobs/GIZ et Mme Asma Hadj-Mabrouk, Cheffe de Mission du Projet Emploi Sel, le FAIS a été un lieu de concertation, un espace de dialogue et de capitalisation d’expériences, entre tous les acteurs institutionnels publics ou privés, dans un souci d’harmonisation des actions, en vue du développement d’une filière à haute intensité de main-d’œuvre. Le Sénégal, premier producteur de sel d’Afrique de l’Ouest, produit en moyenne 550 000 tonnes de sel par an en moyenne par la SNSSS et par environ 15 000 producteurs artisanaux. Le sel est majoritairement vendu dans les pays riverains, laissant la place à des importations de sel transformé, que seul peut juguler l’implantation d’une technologie de pointe, en substitution-import, pour satisfaire des créneaux de marchés intervenant dans l’industrie, la filtration d’eau, et les produits pharmaceutiques.
A la suite de la partie officielle, des panels de discussions ont permis de passer en revue de façon exhaustive, les contraintes au développement de la filière et les pistes de solutions pour y pallier.
Le monde consomme à peu près 346 millions tonnes de sel, dont 59% sont consommés par l’industrie chimique, 14% consommés sous forme de sel de déneigement, et 12% consommés par les Industries Agro-Alimentaires (IAA), soit dans l’alimentation d’une façon générale, d’après la dernière étude présentée par Dr. Stefan Schlag Leon Beraud, fondateur et directeur de Salt Market Information, une entreprise de conseil et d’études spécialisée dans le sel.
Au Sénégal, l'IAA est un des plus grands consommateurs de sel, industriel et/ou artisanal, avec un besoin annuel de plus de 125 000 tonnes. Le secteur de la boulangerie, qui demande un sel extra fin de qualité alimentaire, consomme entre 80 000 et 90 000 tonnes de sel par an. Le sel, lié principalement à l’alimentation, est également utilisé dans divers secteurs dont la production des aliments de bétails, la tannerie, le BTP, Oil & Gas, et l’industrie de la pêche qui consomme plus de 40 000 tonnes / an, a démontré l’étude de marché élaborée dans le cadre du projet Emploi Sel et présentée par l’experte Louise Laroye au Forum.
A ce marché interne plutôt varié s’ajoute les besoins de la sous-région et de l’Afrique Centrale qui consomment plus de 1 million de tonnes de sel par an dont 25% seulement provient du Sénégal et 61% provient d’autres pays dont le Brésil, destiné en majorité au Nigeria et le Cameroun, comme l’a précisé, Monsieur John Ntambi, spécialiste en nutrition au niveau de l’UNICEF.
Bien qu’il soit le premier producteur et exportateur de sel de l’Afrique de l’Ouest, le Sénégal a perdu une part de sa compétitivité pour de multiples raisons dont l’arrivée du Tarif Extérieur Commun de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), l’obligation d’iodation, la cherté des frais connexes sur le sel, mais aussi la présence du sel raffiné venant de l’Inde et de l’Egypte avec des prix super compétitifs par rapport au sel produit par les industriels et artisanaux du Sénégal, a précisé Monsieur Baboucar Bop, fondateur de SEL SINE SA. Face à tous ces défis et obstacles, le représentant de la CEDEAO, Monsieur Lassané Kaboré, Directeur de l’Industrie, a insisté sur l’appui de tous les acteurs afin de mettre en œuvre des actions qui permettent d’améliorer de manière effective, significative et durable la situation alimentaire et nutritionnelle des populations de l’Afrique de l’Ouest et du Sahel. Dans ce sens, Monsieur Kaboré a évoqué la Marque de Conformité aux Normes dénommée « ECOMARK » du Programme Système Qualité de l’Afrique de l’Ouest (PSQAO), applicable au sel, lancé le 08 juillet 2023 en Guinée-Bissau. Cette marque vise à accélérer le développement du commerce intra-régional des produits certifiés par la réduction des Barrières Non Tarifaires (BNT) et à la libre circulation des biens au sein des Etats membres. L’opérationnalisation est en cours et très bientôt les organismes nationaux de certification accrédités seront officiellement mandatés pour apposer la marque.
En réalité, la filière témoigne l’arrivée de nouveaux acteurs semi-industriels ambitieux au stade de la production, et le renforcement des capacités de transformation au niveau des acheteurs, et par conséquent un déclin considérable des volumes de sel importé depuis 2019. En outre, plusieurs structures d’appui étatiques ; comme la Délégation de l’Entreprenariat Rapide FJ (DER) et l’Office National de la Formation Professionnelle (ONFP) ; et différents bailleurs de fonds à savoir la GIZ et ENABEL, entre autres, ont mis à la disposition des acteurs de la filière sel des programmes d’accompagnement technique et financier sur mesure, dans le but de les accompagner à se professionnaliser et améliorer la qualité de leur sel.
Un autre thème central de ce FAIS s’est articulé autour des multiples aspects de la qualité du sel issu des salines. Une qualité qui diffère d’un segment de marché à un autre offrant ainsi aux producteurs de sel une large panoplie d’opportunités d’affaires : un sel brut ou transformé, lavé seulement ou raffiné, en gros cristaux ou fin, etc. mais qui exigent tous un minimum de qualité.
En effet, la qualité du sel artisanal constitue un déterminant majeur, pour une plus large ouverture des marchés en direction des industries agroalimentaires telles que PATISEN et SENICO, représentés respectivement par Messieurs Bilaly Camara et Ibrahima Fall, Directeurs d’usines, et des entreprises de pêche thonière ; à l’instar de CAP SEN, gros consommateur de sel, représentée par Monsieur Adams Kwabéna. Quel que soit l’industrie, tous les acheteurs de sel basés au Sénégal ayant déjà eu acheté le sel artisanal, ont évoqué les lourdes pertes financières qu’ils encourent à cause de non seulement la mauvaise qualité de sel acheté mais aussi le manque de professionnalisation des acteurs. Dans une industrie agro-alimentaire, 20% d’un sel qui ne répond pas à son cahier de charge est perdu au premier stade du raffinage, à savoir le lavage.
Au fils des échanges, il est devenu évident que la qualité de sel alimentaire souhaitée ne peut être atteinte que par le biais de la formation, à l’image de celle qui est dispensée dans les champs-écoles du Projet Emploi Sel / Invest for Jobs en partenariat avec les Marais Salants de Sing-Sing à Kaolack et la Reine du Sel à Fatick, et l’appui indispensable des experts Monsieur Jean-Louis Pipien et Monsieur Abdou Bouna MBaye. Dans son discours sur son parcours de 45 ans dédié à la formation des sauniers au sein de la SNSSS en sa qualité de chef de production, Monsieur Pipien a insisté sur l’importance de considérer la production de sel comme un métier, qui requiert l’engagement et la présence quotidienne du producteur sur ses champs de sel.
« Le sel constitue un véhicule pour la fortification en iode, étant un micronutriment essentiel, il participe à la croissance et au développement physique et cognitif des individus particulièrement durant la grossesse et la croissance », étaient les mots de Madame Marie Thérèse Guigui, cheffe de la section survie et développement à l’UNICEF, partenaire financier du Forum. Madame Aminata Ndiaye Coly, spécialiste en nutrition dans la même structure, a par ailleurs rappelé la faisabilité et la rentabilité de la stratégie de fortification qui elle seule permet à un industriel de toucher des milliers d’individus avec sa propre production. Cependant, la stratégie souffre toujours d’un nombre de lacunes et d’enjeux dont le cadrage de la stratégie, la législation qui l’encadre, le renforcement des capacités des producteurs et industriels en la matière, le contrôle en amont et en aval de l’iodation adéquate du sel, et enfin la sensibilisation sur l’importance de l’iodation.
Dans ce sens, le FAIS a également relevé le paradoxe de l’iodation destinée à un objectif de santé publique et qui est sans effet pour préparer la saumure servant à congeler les captures pendant le voyage des navires de pêche. Cet avis a été partagé par les industriels qui ont relevé que le sel iodé au départ des sites de production, est lavé pour être iodé à nouveau par eux, cascades de coûts qui impactent les prix, engendrant à l’arrivée une réduction des marges industrielles. Dans ce sens, Monsieur Moussa Siby, directeur-adjoint de la Direction du Commerce de l’Intérieur (DCI) au sein du Ministère du Commerce, de la Consommation et des Petites et Moyennes Entreprises, a évoqué les initiatives en cours pour trouver des solutions aux questions relatives à la double-iodation et à l’exemption d’iodation pour certains types de consommateurs.
L'iodation du sel a aussi cristallisé l’attention d’un panel animé par le CNDN, l’UNICEF, NI, et la CEDEAO, avec la modération du Dr. Balla Diédhiou, directeur Sahel à NI, qui a rapporté plusieurs recommandations dont la plus pertinente demeure, un partage des coûts de l’iodate de potassium entre les industriels, les producteurs et les pouvoirs publics, notamment par le biais des exonérations.
Point d’orgue identifié par tous, la question de la structuration des producteurs artisanaux, a été identifiée de façon exclusive, comme une exigence fondamentale et un levier nécessaire pour propulser la filière vers un développement cohérent et harmonieux, avec une définition claire des interactions entre acteurs micro, méso et macro, pour aller vers un objectif commun, tel que l’a rappelé Monsieur Nasser Bila, expert en promotion de chaînes de valeurs et modérateur du panel dédié. La structuration est un défi majeur à relever notamment au sein des coopératives et GIE de producteurs, y dépend largement leur survie. Cette dernière garantit l’efficacité de leur action, la confiance de leurs membres, et des différents partenaires à leur égard. Elle exige une éthique dans la gestion, une dynamique organisationnelle forte, un engagement au service de la communauté des producteurs au détriment de ses intérêts personnels et une connaissance de son rôle et de ses responsabilités. Le premier maillon de la chaîne de valeur, les producteurs regroupés en coopératives, gagnerait à se renforcer et être rattachés à une tutelle ministérielle, afin de permettre l’instauration d’un dialogue public-privé constructif et une prise en compte de l’activité salicole dans les projets et programmes de l’Etat. Dans cette perspective, les représentants des Organisations Paysannes de Producteurs, ont milité en faveur d’un ancrage au Ministère de l’Agriculture, de l’Equipement Rural et de la Souveraineté alimentaire.
Le sel artisanal, qui présente un potentiel de développement important, doit être davantage encadré au niveau des instances faîtières et des organisations qui les composent, requérant ainsi un renforcement de capacités et la mise en place d’une comptabilité, afin d’instaurer une transparence financière indispensable aux financements. A noter que la DER/FJ qui a déjà injecté plusieurs milliards dans le sel d’après les propos de Madame Aasiya GAYE, Cheffe du projet PAVIE à la DER / FJ, rappelait l’impérieuse nécessité de rembourser les emprunts réalisés.
L’adjoint au Maire de la Commune de Dya, région de Kaolack, Monsieur Mame Yack Diagne n’as pas manqué de relever dans le panel sur la thématique « Place des collectivités territoriales dans le développement de la filière » tout le soutien que sa commune accorde aux producteurs de sel, qui manifeste en retour leur solidarité à la commune à travers une participation volontaire dans la réalisation des infrastructures sociales, compte non tenu des droits de taxes versés régulièrement à la municipalité. Fort de cet état d’esprit constructif les deux parties se sont engagées à travers un protocole, dans la construction du premier modèle d’aire de stockage qui à coup sûr va permettre à la coopérative de faire un pas géant dans l’approvisionnement correct de ses clients et à la commune de renforcer son budget. Ce modèle de partenariat doit inspirer toutes les autres communes abritant des marais salants, à travers la facilitation dans l’affectation des terres mais surtout, la réalisation d’infrastructure de stockage et les pistes de production, garantissant un meilleur accès au produit durant toute l’année.
Le panel a également évoqué plusieurs pistes pour une meilleure synergie d’action entre les collectivités territoriales et les producteurs de sel qui d’après certains impacte négativement sur les autres activités agricoles. D’où l’importance de la question de l’aménagement de l’espace soulignée par Monsieur Ousmane Diop, chef d’antenne Kaffrine du projet de la GIZ « Seen Suuf », et Monsieur Papa Ndéné Ba, chef de projet au sein de l’Agence Nationale des Affaires Maritimes (ANAM). La confusion sur les attributions et rôles de l’ANAM et de la collectivité dans la sécurisation foncière des exploitants et les domaines d’intervention a été dans ce cadre débattu et clarifié au public.
Enfin, il a été convenu de la nécessité d’organiser un atelier national entre les collectivités territoriales concernées par l’exploitation de sel et les acteurs de la filière sel pour échanger sur la place de la filière sel dans le développement des territoire et l’apport des territoires dans le développement de la filière sel.
La filière sel au Sénégal devient de plus en plus attractive pour les investisseurs nationaux comme étrangers qui voient dans le sel une multitude d’opportunités d’investissement, qu’elles soient dans le maillon de la production, celui de la transformation, logistiques, ou autres.
Plusieurs projets de grande envergure ont été présentés au Forum. Le projet des Agropoles du Sénégal, présenté par Monsieur El Hadji Djily Lo, coordonnateur national du projet, a prévu la mise en place de cinq (5) agropoles dans le Sénégal dont un au centre couvrant les régions de Kaolack, Fatick, Kaffrine, et Diourbel. Une initiative qui s’appuie sur un investissement public-privé, le projet offrira aux investisseurs un environnement de classe mondiale par le biais des incitations et les outils de travail comme le Plug & Play qui est assuré par la mise en place de plateformes agro-industrielles. Un total de 20 plateformes Plug & Play dont un nombre de plateformes spécialisées dans le sel seront à Kaffrine et à Fatick.
Au-delà de la zone industrielle, le projet a prévu d’aménager des marais salants dans le but d’augmenter la production de sel de 40% afin de satisfaire la demande croissante en sel. Dans ce sens, il est prévu de construire des hangars de stockage afin de stocker le sel durant toute l’année, et 300km de pistes de production dans le but de faciliter l’accès aux stocks de sel durant l’hivernage. De plus, ces plateformes et aménagements seront complétés par la mise en place d’un centre d’excellence et d’un guichet unique pour créer un cluster économique complet.
Conscient des défis de la filière sel entre autres, le projet des agropoles du Sénégal tient à travailler également sur l’amont de la chaîne. Le déficit de financement des différentes chaînes de valeur est un sujet les plus crucial mentionné par Monsieur El Hadji Djily Lo. Dans ce sens, le projet a commencé par la structuration d’un fond de développement des chaînes de valeur agro-industrielles qui est pour le moment de 3.5 milliard FCFA. Le partenaire du projet, la Banque Africaine de Développement a également signé des lettres d’intention avec 4 banques à raison de 20 millions de dollars par banque afin d’accompagner le développement des chaînes de valeur agro-industrielles.
Un deuxième projet aussi important la Zone Economique Spéciale de Fatick spécialisée le sel était l’objet de la présentation de Monsieur Mahécor Diouf, directeur de l’entreprise DOMECO. Un projet du consortium DOMECO et Sel d’Afrique, la ZES est localisée à Fatick sur une superficie totale de 1500 hectares dont 400 hectares sont destinés à la production de la matière première, et le reste abritera 4 hubs industriels : hub food et Agri.; hub des produits non-alimentaires ; hub logistique (espaces de stockage et d’entreposage), et enfin un hub Green Energy production. Un investissement accompagné par l’APIX – agence de promotion de l’Investissement et des Grands Travaux, représenté par Monsieur Pape Alé Amar, Chef de Département et Conseil en Investissement Sénior qui a mis l’accent sur les incitations qu’offre le Sénégal en matière d’Investissement. L’APIX qui a parmi ses missions l’orientation et l’accompagnement des investisseurs offre des services de proximité à son public cible par le biais des plateformes locales d’investissement. Ces derniers, présents seulement au Nord, au Sud, et au Centre-Ouest, regroupent l’ensemble des structures d’appui et d’accompagnement des investisseurs dont le BMN, l’ADEPME, APIX, ASEPEX.
Aujourd’hui, compte tenu de la multitude des opportunités d’investissement dans la zone centre, les acteurs devront faire le plaidoyer pour mettre en place une plateforme à Kaolack ou à Fatick, comme l’a souligné Monsieur Amar.
Ces projets d’envergure sont d’ailleurs des gros demandeurs de financement bancaire ou autre. Ceci a par conséquent retenu l’attention des institutions financières classiques et non classiques présents. Sujet débattu par les panels modérés par Messieurs Libasse Seck et Djibril M’bengue, respectivement, Point focal Invest for Employment, et point focal KfW.
La Banque Agricole (LBA) représentée par Monsieur Mbaye Faty Ndiaye, chef de la zone centre, a réitéré la possibilité de couvrir, par des crédits adaptés, des besoins sur l’ensemble de la chaîne de valeur (production et commercialisation). De son côté, LOCAFRIQUE, représenté par Monsieur Gawane Diop, chef d’agence de Kaolack, a présenté les différents produits de sa structure dont le crédit-bail qui facilite le financement de l’acquisition de matériel/équipements. Cette société de leasing s’oriente aussi vers la création de produits financiers adaptés en micro-leasing qui permettra l’accès à des financements de 500 000 à 15 millions FCFA avec des modalités plus souples que le crédit classique.
Le financement non classique a été également représenté par la Société belge d'Investissement pour les Pays en Développement (BIO Invest) qui financement les banques de la place, et par le fonds d’investissement TERANGA CAPITAL, à travers son programme TERANGA Gestion, qui propose des financements d’amorçage/accélération et des opportunités de réseautage intéressants pour les entreprises de la filière sel. De son côté, le Bureau de Mise à Niveau, partenaire du Projet Emploi Sel, représenté par Monsieur Cheikh Tidiane M’Baye, Expert Agroéconomiste, a agréé récemment quatre projets salicoles qui seront accompagnés financièrement par le BMN et la GIZ.
Enfin, les différents établissements financiers présents ont manifesté un vif intérêt, pour la filière sel qui pêchait par un défaut d’informations et statistiques fiables, que le Projet Emploi Sel d’Invest for Jobs s’est efforcé de combler en produisant une étude fine des différents segments de marché et en initiant avec les producteurs leaders de sel entre autres un projet de mise en place d’un Centre de Gestion et d’Economie Rurale du Sine Saloum (CGER 2S) en vue de stabiliser une relation de confiance entre les institutions de financement et les opérateurs économiques. Un projet présenté par Monsieur Djibril Diop, conseiller technique à Invest for Jobs, lors de sa participation au panel sur le financement de la filière sel : défis et opportunités. Le CGER 2S qui serait fonctionnel à partir du mois d’avril 2024 à Kaolack, aura pour missions la professionnalisation des acteurs, l’amélioration de leur niveau de transparence dans la gestion, l’élaboration des études et références demandées par les banques. La présentation de l’expert-clé Secteur Privé Industrie du Projet Emploi Sel, Monsieur Karim Dramé, portant sur trois modèles d’affaires, a fini de convaincre les investisseurs et les institutions financières, à l’instar de PAMECAS, qui a entamé dès après, l’octroi de financements de crédits de campagne aux producteurs de sel implantés à Sibassor.
Délais de livraison importants, impossibilité d’honorer des commandes, hausses des prix, sont les principales difficultés d’approvisionnement auxquelles sont confrontées les grandes industries du Sénégal. Les industries agro-alimentaires comme SENICO et PATISEN, comme les entreprises de pêche thonière comme CAP SEN, ont fait face entre 2022 et 2023 à une double peine : un manque de sel et un manque de professionnalisme de certains fournisseurs.
C’est dans ce sens que le FAIS a mis le doigt sur le problème de contractualisation entre les producteurs et les acheteurs de sel au Sénégal. D'un côté, le producteur a besoin d’accéder aux intrants, au marché, à l’information, et aux finances et donc assurer le paiement de ses commandes et des revenus stables pour faire fonctionner son entreprise. De l’autre côté, l’acheteur doit impérativement avoir un approvisionnement fiable et régulier avec des produits de qualité. Ces deux partageront la réduction des risques de production et de marché, de prix, ainsi que la réduction des coûts de transaction.
Ces besoins peuvent être satisfaits grâce à une solution parmi d’autres qui est l’Agriculture Contractuelle (AC). Une approche de la GIZ, cette dernière vise à créer un partenariat commercial basé sur un contrat entre producteurs et une société acheteuse (transformatrice ou de commercialisation) qui définit à l’avance les conditions de production et de commercialisation des produits agricoles, a précisé Monsieur Nasser Bila, lors de sa présentation de l’approche AC aux participants du Forum.
L'AC proposée par la GIZ dans son accompagnement des acteurs de la filière sel, sera également mise en œuvre par le projet d’ENABEL, Gungue Mbaye, sous une autre approche présentée au Forum par Monsieur Bassirou SARR, expert filières à ENABEL. Gungue Mbaye vise à promouvoir une dynamique qui favorise une augmentation inclusive et durable de la valeur ajoutée du secteur agro-alimentaire du Sine-Saloum. Cette dynamique s’articule autour d’une approche favorisant la création de relations d’affaires durables et équitables entre les producteurs et les opérateurs économiques, accompagnée par la consolidation du dispositif institutionnel de financement des services agricoles (FNDASP), par la structuration et le renforcement des organisations interprofessionnelles de l’agriculture et par l’amélioration de la plateforme logistique de l’Agropole Centre permettant la connexion entre les zones de production, les zones de transformation et les marchés.
Le Forum a été le lieu de rencontres bilatérales qui ont permis d’éclaircir des zones d’ombre dans les relations souvent pas au beau fixe entre d’une part producteurs et clients et d’autre part entre financiers et autres acteurs de la chaine de valeur. Ces rencontres ont aussi permis de jeter les jalons d’un partenariat plus structuré entre différents acteurs intervenant directement ou indirectement dans la filière.
Les industriels de l’agro-alimentaire tels de SENICO et PATISSEN ont pu communiquer directement avec les coopératives de façon informelle sur les perspectives éventuelles de leurs relations, en mettant en lumière les difficultés liées à la qualité et la disponibilité du produit et les échéances de paiement. Ils promettent de poursuivre les échanges afin d’aller vers un partenariat durable en explorant des pistes telle que l’Agriculture Contractuelle (AC). Dans la même logique certains gros producteurs ou agrégateurs ont aussi échangé avec SENICO et PATISEN pour raffermir les liens d’affaires.
Le FAIS a aussi été le lieu de rencontres prometteuses entre d’une part les producteurs de sel représentés par les Coopératives, GIE, les agrégateurs…et d’autre part les financiers à travers BIO INVEST, PAMECAS, LOCAFRIQUE, LBA, BNDE et CMS. De belles perspectives de collaboration se dessinent avec des promesses fermes de financement, à la lumière de la présentation de M. Karim Dramé qui a démontré une rentabilité des activités à tous les segments de la chaine de valeur.
Enfin le FIAS a été l’occasion pour certains GIE à l’instar du GIE familial « Wa Keur Sampenda Diaw » et grands producteurs de développer des perspectives de réseautage, en nouant des relations avec les producteurs de Latmingué, Parasel et N’Gathie Naoudé, de l’optique d’une future collaboration afin de satisfaire ensemble, des demandes aspécifiques qu’un seul acteur ne peut prendre en charge.
Au chapitre des visites de terrain organisées le troisième jour, une forte délégation composée d’acheteurs, de structures de financement, structures étatiques, bailleurs de fonds, etc. A découvert sur le terrain le potentiel d’une filière en forte croissance. Parmi les sites visités figurent en bonne place celle des Marais Salants du GIE DIOH BUSINESS à Sagne Bambara, en partenariat avec LBH COMMODITIES, qui s’érigent en road-models, le champ-école du Projet Emploi Sel à N’Diémou dirigé par une grande productrice Marie Diouf également Directrice de l’entreprise Reine du sel et présidente de la Coopérative des Acteurs de sel de Fatick; la ZES Sel de Fatick, une initiative du consortium DOMECO et SELDAF, avec une implantation d'un nombre d’agrégateurs dans la région de Fatick et la première usine de transformation de sel SELDAF. Elle s’est terminée au Port de N’Dakhonga, un nouveau port fluvial qui offre des opportunités de support logistique, à la chaîne de valeur du sel.
Le FAIS a largement tenu ses promesses. Il a permis pour une première de faire découvrir les méandres d’une filière jusque-là peu connu ou appréhendé de façon superficielle par les clients et PTF.
Il a notamment permis de mettre le doigt là où il faut nécessairement agir pour booster une filière en pleine croissance mais qui fait face à des défis majeurs. Les perspectives radieuses qui se dessinent pour la filière sel au Sénégal ont été illustrées par les différentes conclusions et recommandations compilées par les modérateurs des 7 panels du Forum permettant, si mises en œuvre, d’assurer le « décollage » de la filière aux plans technique, commercial, institutionnel et financier.
Pour faire, il est impératif de charger un nombre restreint d‘acteurs ayant la légitimité, de porter et mettre en œuvre un plan d’actions stratégiques incluant toutes ces suggestions, au bénéfice de la filière sel, afin de transformer le rêve énoncé plus haut, en réalité.
Enfin, compte tenu de la fin proche du projet Emploi Sel, organisateur du 1er Forum des Affaires dans l’Industrie du Sel, il est indispensable qu’une autre structure permanente porte ce projet et organise la deuxième édition du Forum en 2024 sur le changement climatique et son impact sur la filière sel, un sujet crucial par exemple qui a été proposé par les acteurs mais qui n’a pas pu avoir sa place lors de la première édition. Le FAIS devrait devenir la rencontre annuelle des acteurs d’une filière porteuse.